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Jérémy Bontron pensait avoir fait une bonne affaire quand il s’est offert, en 2015, un appartement au cinquième et dernier étage du Carrare, un immeuble du centre-ville d’Echirolles, dans la banlieue de Grenoble. La banque était d’accord pour un emprunt longue durée, et le jeune tourneur-fraiseur n’avait pas encore 25 ans au moment d’emménager dans son T1 bis. Il a passé « de super années là-haut », dans ses 33 mètres carrés « avec une grande terrasse de 45 mètres carrés, sans vis-à-vis » et une vue imprenable sur les massifs environnants. Il a déménagé depuis, direction Grenoble, mis son appartement en location et assisté de loin à la lente dégradation de l’immeuble Le Carrare. Posé en face de la mairie, ce bâtiment blanc borde une avenue traversée par la ligne A du tramway. Au rez-de-chaussée, une agence d’architectes, un salon de coiffure et une banque. Sur le flanc gauche, un recoin mal éclairé cache la porte d’accès aux appartements. Il a longtemps été occupé par des guetteurs qui contrôlent les allées et venues de cet immeuble devenu un point de deal.
Le 24 septembre, c’est sur le compte Instagram d’information locale Chicagre (contraction ironique de Chicago et Grenoble) que Jérémy Bontron, 32 ans, a pris connaissance de l’arrêté de la maire d’Echirolles, Amandine Demore (Parti communiste français), laissant trois jours aux locataires et propriétaires pour quitter leurs logements. Officiellement pour des raisons de sécurité, sur la base d’un rapport d’experts ayant constaté « un danger mortel dû à la présence de conducteurs électriques accessibles sous tension en tous points de l’immeuble ». Officieusement pour tenter de mettre un terme à la mainmise d’une équipe de dealeurs sur Le Carrare.
Le jeune homme a aussitôt enfourché son vélo et filé déposer en mairie d’Echirolles un trousseau de clés de son appartement, « pour éviter qu’ils cassent la porte blindée ». Il envisage aujourd’hui de mettre son bien en vente, « même à perte, si la banque est d’accord ». Il s’est endetté pour vingt-cinq ans, « ça fait des petites mensualités ». « Une expropriation, même sans dédommagement, ça m’arrangerait. Cela m’enlèverait un poids sur la conscience », poursuit-il, l’air désabusé en observant les opérations de nettoyage et de fermeture des lieux après la publication de l’arrêté d’expulsion.
D’autres propriétaires et locataires ne partagent pas son apparente décontraction. « Je ne dors plus », lance un père de famille, à peine réconforté par les représentants de la mairie venus lui promettre une solution de relogement temporaire. Une vingtaine d’habitants ont été accueillis dans des hôtels de l’agglomération, première étape d’un parcours qui s’annonce compliqué. La responsabilité de les reloger revient aux propriétaires des appartements, que Mme Demore ne ménage pas : « On ne peut pas se permettre de louer des appartements dans n’importe quelles conditions. » « Les dealeurs ont gagné, la France, elle, a perdu », rétorque un homme excédé par la tournure des événements.
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